Chasseuse d' images.

D'abord il y a le lever au petit matin un dimanche: 4 heures, pour être exacte Et oui la Sologne se trouve à quelques heures de ma région de vie.Autant vous dire qu' à ce stade des choses je me demande bien ce qui m' a pris de vouloir accompagner mon chasseur de mari.Les traits froissés et les cheveux hirsutes, mon humeur est à l' image de mon physique.J'avale machinalement un café au lait et deux tranches de brioche industrielle, sans piper un mot." il est encore temps de retourner se nicher dans les draps tièdes, de faire la grasse matinée, de finir le bouquin que j' ai entamé ou de somnoler devant une série télé, de faire un gâteau au chocolat et de le dévorer à 16h...bon ok,j' enjolive un peu les dimanches! ( c' est souvent plutôt enchaîner deux ou trois lessives et repasser tout le linge restant de la semaine, ranger un placard qui aurait du être mis en ordre aux dernières vacances..)La préparation de mon matériel photo me redonne du courage...ne rien oublier, ça serait trop bête! j' ai pris soin de recharger ma batterie toute la nuit.Il serait dommage de tomber en panne en pleine forêt...

Enfin tout est en ordre et nous partons.Nous retrouvons des amis de mon cher et tendre, changeons de voiture et au bout de quelques kilomètres je m' endors, bercée par les conversations des messieurs (et après on raconte que les femmes sont bavardes).

Quand nous arrivons au rendez-vous, beaucoup de chasseurs sont déjà là, tous d'orange vêtus et cette overdose colorée me fait mal aux yeux. L' ambiance est animée et chaleureuse.On me salue et j' entends les interrogations silencieuses: " tiens je ne savais pas que sa femme chassait Elle est venue rabattre?..."Perso, je ne dis trop rien, je ne suis pas encore vraiment réveillée,ni spécialement à l'aise dans cette univers presque exclusivement masculin.Tout le monde avale son café et son croissant.Déjà, je me sens mieux, mais je m' inquiète un peu sur le déroulement de la journée.

Les instructions pour la journées sont données autoritairement dans un silence religieux, ponctuées de quelques réflexions ironiques osées par quelques bravaches et les consignes de sécurité finissent de refroidir un peu plus mon enthousiasme déjà fragilisé...

Heureusement que ma moitié veille sur moi.Je suis confiée au bon soin du responsable de la chasse qui a été mis au courant de mon projet et qui visiblement ne trouve pas cela rocambolesque ,comme je l' avais craint.Il m' assure qu'il me dira où aller me placer pour voir un maximum d' animaux.Je suis étonnée de l' attention qu' il me porte.Les chasseurs sont déjà partis et je reste en compagnie des rabatteurs.Je prépare mon appareil et quelques uns viennent poliment me faire un brin de causette.Je leur explique que je me suis mise à la photo il y a quelques mois, que j' adore cela et que lors d' un voyage de chasse au Portugal où j'ai accompagné mon époux, j'ai à ma grande surprise réussi à capturer quelques animaux dans mon objectif.Je garde pour moi, l'espèce d' excitation qui accompagne l' attente, la tension qui monte quand on a repéré un animal, qu' on le tient enfin, qu' on vise ! et hop, on l' a eu!!!l' euphorie! vite, vite comment est la photo?Pour me donner un peu de légitimité, je leur montre la magnifique biche en suspension que j' ai réussi à capturer,au nez des chasseurs pas encore prêts ...

Voici quelques images de ce séjour portugais( j' y retournerai l' année prochaine avec un téléobjectif);

Allez, c' est l'heure! Nous montons dans les voitures et après un court trajet, nous voilà au coeur de la forêt.L' air est humide et frais et un léger brouillard nappe le paysage.Les arbres ont encore leurs feuillages aux couleurs d' automne.Cette beauté me frappe en plein visage presque à m' en couper le souffle:je suis au centre d'un tableau d' un peintre au talent exceptionnel...

Et puis il y a le bruit; l' humidité due au brouillard alourdit les feuilles déjà prêtes à lâcher prise et précipite leur chute accompagnée d' un petit bruit sec qui tranche avec le silence ambiant.Les chiens sont sortis des voitures avec des jappements d'exitation et leurs clochettes carillonnent.Eux aussi sont impatients.Les rabatteurs donnent quelques coups de trompes pour signifier le départ de la battue. Le responsable de la chasse m' explique qu' ils vont faire 800 m dans un sens puis 800 mètres dans l' autre sens .Je vais aller me placer au milieu , comme cela j' aurai le maximum de chance de voir des animaux."Euh, toute seule? je ne suis pas très rassurée mais je n' ose rien dire et je pars dans la direction qu' il m' a donné,en me répétant en boucle ses instructions: "tu fais 150 mètres tout droit jusqu'à la première allée puis tu tournes à gauche et tu marches 400 mètres jusqu'à la prochaine intersection et tu ne bouges plus."Je m' enfonce donc seule dans les bois.Lui a-t-on dire que j' arrive à me perdre dans des endroits que je connais! alors là...?Je ne suis pas des plus rassurées , je dois l' avouer.Je marche vite car le but est de prendre de l' avance sur les rabatteurs.J' entends leurs sonneries au loin.Je crois percevoir des bruits.Peut-être un animal...mais non, c' est le vent dans les feuillages...lles frottements de mes vêtements dus à ma marche rapide me gênent dans mes perceptions sonores.Et puis il y a l' odeur.L' humidité fait ressortir le parfum de la terre, des feuilles qui commencent à se décomposer.Tout à coup une odeur plus forte me parvient, des sangliers ont du passer par là, d' ailleurs les traces et le sol retourné à mes pieds confirment mon intuition....le gibier est là! Moi aussi! ma motivation est revenue...Je continue mon avancée, je ne dois plus être très loin de l' intersection.Soudain; un léger mouvement sur ma gauche attire mon regard...il est là...un magnifique cerf approche entre les arbres.Il ne m' a pas vu.Je m' immobilise.mon doigt cherche le bouton"on" de mon appareil que je prépare et que j' approche de mon oeil doucement.....je me tourne légèrement,je vise, l' animal est dedans! il faut faire vite car la bête a repéré mon mouvement, elle s' est stoppée et me regarde.Mon doigt cherche le déclencheur...et... ne le trouve pas!!! trop tard le cerf a fait demi-tour, c' est loupé! Dépitée, je reprends ma marche et tout le reste de la journée mon doigt ne quittera pas le ce maudit bouton.J' arrive enfin à la fameuse intersection...Je pourrai vous raconter en détails toutes les belles surprises de cette journée: une jolie chevrette qui émerge de la brume, deux mignons marcassins qui traversent une allée sous mon nez, une compagnie de sangliers qui émerge des fourrés à quelques mètres de moi dans un bruit assourdissant, cet énorme cochon noir qui saute une allée, cette biche qui détale, ce chevreuil qui s' enfuit en m' apercevant...cette gracieuse chevrette qui prend la pose dans le rayon de soleil ...mais comment trouver des mots à la hauteur de tant de beauté et d' émotions...alors bien sûr mes photos manquent certainement de maîtrise, cela s'expliquant par mon peu d' expérience et par mon matériel pas toujours adapté, mais j' espère qu' elles vous feront partager un peu ma fabuleuse journée.Encore un petit mot pour vous dire que les chasseurs ont fait peu de prise ce jour là et qu' à priori, les animaux que j' ai photographié courent toujours...En tout cas, je remercie tous ces Messieurs, chasseurs et rabatteurs, pour  leur accueil des plus chaleureux et sincère et mon mari, pour m' avoir entraîné dans cette extraordinaire aventure...